La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) bouleverse un peu l’organisation de l’Exposition. Les fermiers sont très occupés, car la main-d’oeuvre se fait rare. Un grand nombre de jeunes hommes se sont enrôlés dans les forces armées ou se sont trouvé de l’emploi dans l’industrie de la guerre à l’extérieur de l’Île. Les directeurs envisagent même de suspendre l’Exposition pendant ces années. La question est abordée en 1942 et portée au vote. La majorité des membres se montrent cependant du même avis qu’Adrien Arsenault, à savoir qu’il ne faut pas annuler l’événement, même pour une année, » car si on arrête une fois, dit-il, ça sera difficile de recommencer « .
Les années de l’après-guerre s’avèrent difficiles pour les petites fermes familiales. Le manque de moyens pour s’adapter aux changements imposés par la modernisation oblige un grand nombre de cultivateurs à abandonner l’agriculture. Cette situation a des répercussions directes sur l’Exposition : il y a moins d’exposants, donc moins d’animaux à exposer. Il faut alors envisager l’idée d’ouvrir l’Exposition, jusque-là réservée aux gens des paroisses de Baie-Egmont et de Mont-Carmel, à un plus grand territoire.
Cette question avait déjà été considérée en 1934, lors d’une réunion spéciale des directeurs. On s’y intéressait en raison des octrois gouvernementaux. Le gouvernement laissait entendre qu’il pourrait doubler sa subvention et même accorder davantage si l’Exposition étendait son territoire.
Lors de l’assemblée extraordinaire qui a lieu le 26 février 1947, les membres de l’Association de l’Exposition votent unanimement pour ouvrir le territoire. Malgré le vote unanime, plusieurs directeurs demeurent hésitants. La discussion se poursuit effectivement lors de la réunion des directeurs du 13 mars suivant. Il y a Joseph P.A. Arsenault d’Abram-Village qui » n’est pas en faveur pour la raison que les fermiers d’en dehors on plus d’avantages de soigner leurs animaux « , alors qu’Edmond Bernard de Saint-Philippe rapporte que les gens de son village désapprouvent le projet. Lucien Arsenault de Mont-Carmel se dit en faveur d’agrandir » mais pas en faveur de prendre lot 17 « . Il ajoute, qu’avec la nouvelle compétition, ça forcera les fermiers de la région à mieux préparer leurs animaux pour les exposer. On décide enfin d’ouvrir l’Exposition à l’ensemble des lots 13, 14, 15 et 16, et à la partie du lot 17 située à l’ouest du chemin St. Eleanors. Ainsi la ville de Summerside et quelques villages agricoles situés dans le lot 17 sont exclus.
Néanmoins, l’ouverture ne se fait pas tout de suite. Elle a seulement lieu en 1949, après que le député Wilfred Arsenault réussit à obtenir du ministère provincial de l’Agriculture une augmentation de 500 $ à l’octroi annuel accordé à l’Exposition.
La question de reculer davantage les frontières de l’Exposition revient sur le tapis à compter de 1959 dans l’espoir d’y attirer un plus grand nombre d’exposants et de se voir accorder de meilleures subventions. Comparativement aux autres expositions, celle de Baie-Egmont et de Mont-Carmel n’est pas aussi avantagée au chapitre des octrois attribués annuellement par la Province. En 1960, elle reçoit 1 200$ alors que les expositions d’Alberton et de Crapaud, convrant de plus grands territoires, reçoivent chacune 3 000$ et celle de Kings-Est touche 1 750$. Les directeurs font aussi des efforts pour mieux attirer et accommoder les exposants d’animaux. En 1957, ils construisent la première de plusieurs bâtisses pour abriter les animaux.
Lors de l’assemblée annuelle de 1962, les membres acceptent d’étendre la frontière pour inclure les lots 1 à 12. Le territoire comprend donc maintenant toute la partie du comté de Prince à l’ouest du chemin St. Eleanors.
La question d’ouvrir à tout le comté de Prince n’est pas oubliée pour autant, revenant périodiquement sur le tapis. Il faut souligner qu’au cours des années 1960, un certain rajeunissement se produit au sein de la direction de l’Exposition et on se montre de plus en plus ouverts à des changements importants. En 1962, Louis Cormier, un jeune agriculteur dynamique, appelé à jouer un rôle important dans l’évolution de l’organisme, est nommé directeur. En 1964, le secrétaire-trésorier en poste depuis 1929, Charles M. Arsenault, se retire et est remplacé par Cyrus J. Gallant. Ce dernier écrit d’ailleurs en 1967 au sous-ministre de l’Agriculture, Stewart C. Wright, pour lui demander son avis concernant l’ouverture de l’Exposition à tout le comté de Prince. Dans la même correspondance, il demande au ministère une somme supplémentaire à l’octroi annuel. Bien qu’un de ses employés ait suggéré aux directeurs l’année précédente d’ouvrir à tout le comté, le haut fonctionnaire se montre réticent à ce sujet. Sa réponse reflète assez bien la pensée de plusieurs directeurs et amis de l’exposition acadienne :
Je ne voudrais pas voir votre exposition s’agrandir si cela allait nuire à la participation des gens de votre région. J’ai toujours estimé que l’Exposition de Baie-Egmont était unique parce qu’elle donne une chance à votre monde d’exposer leurs produits, et je me demande si quelque chose de ceci serait perdu si vous étendiez vos frontières.
Mais chez les directeurs, il est bien clair que quelque chose doit être fait pour assurer la survie de l’Exposition. Malgré l’expansion territoriale de 1962 et la construction de quelques granges, on ne réussit pas à attirer suffisamment d’exposants d’animaux et l’intérêt local ne cesse de diminuer. À l’assemblée annuelle de 1968, Louis Cormier rappelle que les prix offerts pour les compétitions des animaux ne sont pas assez élevés pour compenser tout le temps et tout le travail que l’exposant doit consacrer pour préparer ses animaux et les amener sur le terrain. Il ajoute aussi » que ce n’est pas intéressant parce qu’il n’y a pas assez de compétitions « .
L’intérêt que Louis Cormier manifeste pour l’avenir de l’institution lui mérite la présidence dès l’assemblée annuelle de 1969. À la même occasion, le jeune enseignant et diplômé universitaire, Raymond Bernard, devient le nouveau secrétaire-trésorier de l’Association. Tous les deux sont du village de Saint-Philippe où pendant leur jeunesse ils avaient été membres actifs du Club 4-H et, à ce titre, avaient régulièrement participé à l’Exposition. Le leadership de ce jeune duo conduira l’Exposition vers une transformation importante, en commençant par son ouverture à tout le comté de Prince en 1970.