Le président, Louis Cormier, propose, lors de l’assemblée annuelle du 24 février 1971, la création d’un festival acadien d’une durée de deux ou trois jours. L’Exposition deviendrait une des composantes du grand événement, lequel pourrait comprendre notamment des soirées récréatives, des danses et des spectacles avec des artistes invités.
L’assemblée accepte d’étudier un tel projet apte à conduire l’Exposition dans une toute nouvelle direction. Un comité est mis sur pied composé de Louis Cormier, Cédric LeClair et Cyr Gallant.
En 1970, Antoine Richard avait été embauché comme animateur socioculturel pour la Société Saint-Thomas-d’Aquin et il avait réussi à regrouper plusieurs personnes pour former l’Association touristique Évangéline. Le but de l’Association était d’établir un plan d’action pour le développement touristique dans la région. La première réunion a lieu le 1er novembre 1970. Parmi les nombreuses idées qui sont lancées, il y a celle » d’un festival acadien de trois ou quatre jours en collaboration avec l’exposition agricole « . Alors qu’Antoine Richard devient le président de l’Association touristique ce soir-là, Louis Cormier est nommé président du comité de développement.
Les directeurs de l’Exposition décident d’aller de l’avant avec la création d’un festival pour les 27, 28 et 29 août 1971. Ils acceptent que le volet exposition agricole s’étende sur deux jours, le vendredi et le samedi, alors que le dimanche soit uniquement consacré à des activités socioculturelles. Ils décident aussi de tenir la comptabilité du Festival acadien séparée de celle de l’Exposition.
Grâce au nouveau programme fédéral de création d’emplois pour étudiants, Perspectives Jeunesse, on embauche Georges Arsenault comme coordonnateur du Festival. Avec l’aide des directeurs de l’Exposition et la collaboration de quelques organismes de la région, sans oublier la contribution de plusieurs bénévoles, on réussit à dresser un programme modeste qui comprend le concours de Mlle Festival acadien, de petits spectacles sur le terrain avec des artistes locaux, un spectacle de clôture avec le chanteur acadien Donat Lacroix du Noveau-Brunswick, un souper au homard et les manèges du Bill Lynch Show. On ajoute aussi au programme des visites au Village des pionniers acadiens, animé pour l’occasion par des gens en costumes d’époque.
Ce premier festival est plus ou moins un succès. L’événement n’attire pas la foule souhaitée et le Festival se trouve dans le rouge.
Si le premier Festival avait été organisé sous le parapluie de l’Association de l’Exposition agricole et la présidence de Louis Cormier, il n’en sera pas ainsi pour le deuxième. Au cours de l’hiver 1972, le premier comité exécutif du Festival acadien est créé, séparant administrativement et financièrement les deux activités. Il en sera ainsi jusqu’en 1992. D’un commun accord, les deux organismes décident cette année-là (1972) d’avancer au 4, 5 et 6 août le double événement afin de profiter de l’affluence des touristes dans l’Île pendant cette période de l’été. La participation d’un nombre considérable de gens de Cap-Pelé, Nouveau-Brunswick, s’avère l’activité marquante de ce deuxième Festival. Le dimanche, ces Acadiens et Acadiennes de la terre ferme arrivent en bateaux de pêche et en automobiles avec leurs artistes qui donnent un spectacle de variétés fort apprécié sur le terrain de l’Exposition.
Le changement de date ne convient cependant pas à la foire agricole. Le début du mois d’août s’avère trop tôt pour les agriculteurs, donc l’événement est reporté à la fin du mois pour coïncider avec le congé de la Fête du travail. Ce troisième Festival connaît un franc succès et on réussit à sortir l’événement de sa situation déficitaire. Le Festival profite d’ailleurs de fonds spéciaux de la Commission du Centenaire de 1973 qui encourage la célébration de l’entrée de l’Île-du-Prince-Édouard dans la Confédération canadienne. Avec cet argent, les organisateurs trouvent les moyens d’améliorer la programmation, mais il reste à trouver suffisamment de bénévoles pour le bon déroulement de toutes les activités prévues.
Raymond Bernard, à la fois secrétaire de l’Exposition agricole et du Festival acadien, joue un rôle prédominant dans la survie du jeune Festival. Au printemps de 1973, il distribue à tous les foyers de la région une lettre dans laquelle il sollicite les gens à participer à l’organisation de la troisième édition. Il leur rappelle d’abord que le Festival acadien fut créer pour faire mieux connaître la culture acadienne de la région aux gens de l’extérieur et aussi pour soutenir l’une des plus vieilles exposition agricoles de la province. Il souligne aussi que les deux événements ont été conçus pour se compléter l’un l’autre et non pour se faire compétition. Il continue :
Le succès au point de vue financier n’a peut-être pas été exceptionnel, mais ce n’est pas cela le but du Festival acadien, c’est de travailler pour l’épanouissement et la survivance de notre culture acadienne…
Afin de pouvoir réaliser ses projets et assurer son succès, le Comité du Festival acadien désirerait voir une plus grande participation des gens de la région dans l’organisation du Festival. Ça devrait être l’affaire de tous les gens et non pas seulement d’un petit groupe.
Nous sommes unis ensemble par notre langue, notre culture; nous avons notre propre et unique unité scolaire, pourquoi ne pouvons-nous pas nous unir pour notre Festival acadien, travailler ensemble et prendre une part active et en faire un véritable succès?
La lettre passionnée de Raymond Bernard parvient à mobiliser un plus grand nombre de bénévoles. Le Festival de 1973 réussit donc à offrir un programme plus étoffé avec une journée sportive, des spectacles de meilleure qualité sur le terrain, une messe sur l’eau et un défilé de chars allégoriques. Le succès de cette troisième édition motive les organisateurs et crée évidemment un plus grand enthousiasme pour l’événement, assurant ainsi son avenir.
Le Festival continue de s’améliorer et presque annuellement de nouvelles activités s’ajoutent au programme, tels le concours de violon et de gigue (1974), la soirée Le Djâble dans l’corps (1976) et le rallye automobile (1978). Les organisateurs prennent vite la décision de ne pas miser sur les manèges de Bill Lynch pour distraire la foule. Ils se donnent donc le défi d’organiser des activités originales capables de distraire les gens de tout âge, et différentes de la programmation des autres festivals et exposition de la province. Ainsi apparaissent au programme le concours d’animaux favoris (1976), de nombreux jeux et compétitions (1977) et plus tard le concours de bûcherons (1985) et le très populaire spectacle des grimpeurs de poteaux (1988).
Les organisateurs tiennent très fort au volet culturel et à la prédominance de la langue française dans toutes les activités du Festival acadien. Les spectacles attirent de grandes foules et, depuis de nombreuses années, le spectacle de clôture réussit à remplir à capacité le Centre de récréation Évangéline. De nombreux artistes acadiens de l’extérieur de l’Île ont été présentés au cours des années, mais ce sont surtout les artistes insulaires qui y trouvent leur compte.
Dès 1979, le Festival est tout heureux de monter un premier spectacle de calibre professionnel, totalement en français, avec des artistes locaux. Intitulé » Les gens de par chez-nous « , il est monté sous la direction de Lucien Gagnon, un directeur artistique professionnel de Montréal. Ce spectacle sait donner confiance aux artistes locaux et les inspire à monter des spectacles dignes des grandes scènes. Depuis, le spectacle de fermeture est presque toujours réservé à la crème des artistes acadiens de l’Île comme Angèle Arsenault, Gameck, Panou, Jeannita Bernard, Acadilac, Barachois, Marcella Richard, Celtitude, la troupe de La Cuisine à Mémé et bien d’autres.
Il n’y a aucun doute que la création et le succès du Festival acadien projettent l’Exposition agricole dans une nouvelle ère. D’une exposition d’une journée, cette vénérable et vulnérable foire acadienne s’étable dès 1971 sur deux jours et bénéficie largement de la publicité et des nombreuses activités organisées par le Festival.
La qualité de ce grand événement acadien de fin d’été ne tarde pas à se faire connaître, attirant des visiteurs de partout dans la province et de l’extérieur. Au fil des années, le nombre d’Acadiens et d’Acadiennes en provenance du Sud-Est du Nouveau-Brunswick prend des proportions considérables, amplifiant ainsi l’ambiance acadienne et francophone de la fête.